Loin des clichés béats l'enfance est un monde mystérieux, cruel, architecte de nos destins. Elle nous forge, nous habite inconsciemment ou non, fait de nous des hommes ou des femmes heureux épanouis ou chargés de mémoires portées comme un fardeau sur des épaules trop fragiles souvent pour en assurer la charge.
Laurent Arnon s'est interrogé sur cette enfance, celle là qui nous trahit dans nos êtres, qui nous donne à voir tels que nous sommes, avec nos fêlures, nos blessures, nos âmes errantes, égarées ou perdues.
Découvrez les cinq toiles qu'il propose au Petit Lavoir, laissez vous porter par la poésie de son pinceau, des couleurs qu'il choisit pour présenter cinq scènes de l'enfance qui évoquent autant de souvenirs de troubles aussi, de magie encore. Arrêtez vous sur cet enfant pas encore né évoluant dans un liquide amniotique bleuté. Il n'a pas de cordon ombilical, il est déjà seul, comme abandonné. Est il serein épanoui, inquiet ? Il donne l'impression du bonheur portée par ceux qui ne connaissent pas encore « l'inconvénient d'être né » immortalisé par Cioran. Ce tableau fige le spectateur, l'interpelle, lui évoque un souvenir qu'il n'a plus mais lui semble toujours familier.
. Cette naissance porte au jeu à ses dangers possibles et l'on s'inquiète déjà du saut de la jeune enfant qui joue à la marelle, entre enfer et paradis.
Les tableaux de Laurent Arnon possèdent tous cette qualité, ils montrent, ils ne dénoncent pas, ils évoquent un moment, un instant toujours bref qui nous est intime et auquel l'on peut s'identifier. Où va t-il se petit groupe de bambins ? Part il à l'école, ? Ce lieu de tous les apprentissages mais aussi de la sauvagerie et de la cruauté ? Sont ils déjà conscients de ce qui les attend ? L'inquiétude pèse dans cette toile plus par les couleurs choisies par l'artiste que par la posture que les protagonistes adoptent.
Les deux dernières toiles présentées évoquent les jeux de l'enfance, la solitude dans un trio, la curiosité. Que font cette sœur et ce frère, sont ils comme dans « le tour d'écrou » d'henry James les victimes consentantes de la folie des adultes. Et les trois autres qui jouent dans une pré ? Deux d'entre eux semblent vouloir franchir un mur qui les mènera ailleurs, vers d'autres rives. Le monde des grands ?
Pendant qu'un troisième semble abandonné, donne à croire qu'il pleure peut être. Pourquoi ? Interrogeons nous sur cette scène. Nous avons tous eu à pleurer un jour ou l'abandon à une époque, un lieu, le départ d'un être cher nous a tous fracassés. Laurent Arnon donne à voir, il ne cherche pas à provoquer par son art, il évoque, et nous interroge tous, intimement sur ce grand mystère qu'est l'enfance, ce terreau dont les adultes sont sortis.
Une prairie, une aire de jeux et d'innocence qui ébauche les prémices d'un enfer et si c'étaient les autres, comme l'assurait Jean Paul Sartre.
LB